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Plant, 18 avril 2020

Planton (helvétisme)
A ne pas confondre avec le soldat qui monte la garde
C’est la plante en embryon qu’on plante dans la terre qui monte ensuite vers le ciel, les airs, l’espace infini des variétés mangeables que l’humain a apprivoisé

En général, il s’agit d’un brin de végétal enfoncé dans une toute petite motte cubique très humide
En général, on se les arraches au printemps dans les garden center (?)
Les plus entreprenants les fabriquent eux-mêmes (oh!)

Avec Covid-19, le statut du plant a donné lieu à une dispute philosophique:
Bien de première nécessite ou luxe de jardiniers amateurs confinés?
Le doute n’a pas été levé
Personne n’a vraiment tranché

Le plant ou planton demeure dans les limbes
Il l’est déjà naturellement, car il n’est pas encore définitivement son destin
Indispensable et négligeable
Promesse et déception

Il mériterait une vrai phénoménologie
Phénoménologie (définition): description sans chichis de ce que l’on perçoit, on se limite au concret et on laisse l’être, l’essence, le bien et le mal aux théoriciens

Faire la queue pour un plant ne semble pas incongru
D’ailleurs, les potagistes (néologisme) dilettantes font la file volontiers pour acquérir tomates, courgettes, raves, côtes de bête en herbe pour le replanter chez soi et admirer jour après jour le miracle de la vie

C’est peut-être ça l’utilité inébranlable du plant:
L’origine de la vie alors que Covid-19 se mange cellules, poumons, protéines dans une ambiance de fin du monde où on n’oublie pas de demander le remboursement de son abonnement CFF

C’est tout pour aujourd’hui

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Masque, 17 avril 2020

Protège-t-il ou pas?
Oui, non, peut-être, qui sait?
Au moins, il rassure
Attention, cependant
Fantasme d’immunité, il peut encourager l’imprudence jusqu’à…
…la contagion

Obligatoire, facultatif, répulsif ?!
L’incertitude ronge la science, les autorités
Qui croire?
Les affirmatifs ou les circonspects?

L’économie semble pourtant dicter les choix
Pénurie ou abondance?
Quand il y en a: tout le monde doit l’enfiler
Quand, il y en n’a pas ou pas assez: ça dépend

C’est le paradoxe de l’âne de Buridan ou presque
Oui, l’âne
Ecartelé entre l’avoine et l’eau
Qui finit par mourir de faim et de soif
Pauvre bête

Un peu d’étymologie, tout de même, pour comprendre
Masque: (bas latin ou latin tardif, du IIIe au VIe siècle) mascha, sorcière
Qui au fil du temps devient faux visage pour faire peur, spécule le Littré

Le masque cache mais dévoile aussi
Chez les acteurs, il peut être un caractère de la physionomie
Le masque hésite entre le mensonge et la vérité
Entre l’apparence et l’essence
Entre la surface et la profondeur
Entre le devant et le derrière
Entre la scène et les coulisses

Dire que certains ont interdit, et d’autres veulent encore, interdire
Les visages dissimulés dans les lieux publics
Foulards, passe-montagne, burqua…
Qui nous amendera alors
Le jour où il faudra se masquer
Contre Covid-19 qui avance déguisé?

C’est tout pour aujourd’hui

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Savon, 16 avril 2020

Savon
Il glisse, salé et gras
On le tourne et retourne
Il mousse
Détergent universel et puissant
Il élimine microbes, virus, bactérie
Vive l’hygiène, la propreté!
D’une rare efficacité, redoutable, fiable
Une arme de destruction massive entre nos mains

A lire sa composition chimique, je perds mon alphabet
Je lui préfère l’huile d’olive mélangée au laurier
A la manière savante du Proche-Orient

Babylon et les Sumers, IIIe av. J.-C., saponifiaient déjà
D’Alep à Marseille, ensuite
Jusqu’aux manufactures et industries du XVIe siècle

Objet génial, simple et éternel
Notre sauveur
Dont le poète Ponge a chanté la candeur caustique

C’est tout pour aujourd’hui

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Boîte de ravioli, 15 avril 2020

Razzia de boîtes de ravioli
Fin février 2020
L’homo helveticus dévalise les rayons des magasins suisses
Covid-19 alimente
Les peurs ancestrales
Les angoisses gastriques
Les réflexes intestinaux

Hero, grand seigneur argovien des raviolis en boîte depuis l’après Deuxième Guerre mondiale, est en rupture de stock
Plus de pâte
Plus de sauce
Plus de fer blanc
La pénurie, vraiefaussevraiefausse, ravage les esprits, remplit les caddies
Mais la joie aussi, le chiffre d’affaires explose
Depuis un mois, le petit carré fourré - viande, fromage, épinards - comble les ventres et chasse les fantasmes

De quoi faire pâlir les statistiques, déjà rouges de honte
En 2019, calcule une journaliste, quelque 3 700 000 kilos de raviolis en conserves ont été vendus en Suisse
Puis mâchés, avalé, digérés
Transformés en graisses et protéines
Plus tard évacués

Faut-il le rappeler?
Oui, oui
Les ravioli, c’est aussi les Chinois
À l’origine
Les Italiens s’y sont mis autour de 1100
Boccace en parle dans le Décaméron
Le livre des cent nouvelles écrit pendant la peste au milieu du XIVe
« niuna altra cosa facevano che far maccheroni e raviuoli e cuocergli… »
C’est dire
Le reste du monde a suivi
Hero et les Suisses aussi

C’est tout pour aujourd’hui

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Ecran, 14 avril 2020

L’écran
Réunit et sépare (ou protège)
Laisse voir (affiche) et dissimule
Plat et profond
En même temps

Au XIIIe siècle: escren « panneau servant à se garantir de l'ardeur d'un foyer »

Ces jours, nous sommes à l’écran
Fenêtre sur le monde, du monde, pour le monde, sans monde
Nous devenons des écrans (ma tête au carré)
Nous sommes toutes et tous Alice aux pays des écrans
Nous avons passé à travers les écrans, nos miroirs
(Je me sens un peu perdu)
Le lapin blanc court dans son trou
Et la reine de coeur veut nous couper la tête
Tête, crâne, écran

Ecran: ça sonne comme une cassure, quelque chose qui craque

Mais encore, écran se confond avec moniteur
Celui qui enseigne, qui encadre
Ainsi découpe un bout du monde, le transforme en image
Imitation, reproduction, représentation, ombre, moule…
Tout ce que vous voulez à l’écran

Grand écran, le cinéma
Petit écran, la télévision ou l’ordinateur ou la tablette ou le smartphone
Godard disait
« Quand on va au cinéma, on lève la tête.
Quand on regarde la télévision, on la baisse »

C’est tout pour aujourd’hui.

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Papier de toilette, 13 avril 2020

Depuis un mois, c’est la course au papier de toilette. Valeur refuge, dit-on chez les économistes. A l’annonce du confinement - semi, entier, armé - les citoyens-consommateurs ont dévalisé les rayons. Moins en Italie, adepte du bidet, plutôt portée sur lés pâtes et la levure. On a frôlé la pénurie. Mais la blancheur-rondeur rassurante du papier cul a emporté tout appel à la modération et à la raison.

Un rigolo n’a pas tardé à élaborer une application pour calculer la consommation de papier.

Juste retour des choses. Covid-19 est apparu en Chine, comme le papier de toilette au Moyen âge. A l’abri de la Grande muraille, on y fabriquait des feuilles compactes et résistantes et parfumées à base de riz, réservées à la cour impériale. Le peuple se débrouillait avec des coquillages.

Jusque-là, on recourrait, comme les Grecques, aux pierres, mieux si raboteuses. Les Romains, un poil plus rustres, se contentaient d’une éponge au bout d’une tige.

Il a fallu le XIXe siècle, pour qu'un américain, et qui d’autre?, invente le papier en vrac à base de chanvre. Puis, en 1891, un compatriote l’a mis en rouleaux, avec des lignes de perforation pour les déchirer d’un coup de main décidé.

Maintenant, l’objets banal trône en masse dans les armoires des confinées. Fétiche suprême contre la menace infectieuse, sale et brutale, il se décline volontiers en plusieurs couches nettoyantes, absorbantes, caressantes, voire de couleur.

En chiffres, les Suisses en déroulent 20kg par personne par année. Moins que les Américains (24kg), mais davantage que la moyenne européenne (16kg).

Face à une telle profusion, les plus économes suggèrent de se rincer plutôt à l’eau.

C’est tout pour aujourd’hui.