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27 avril - 1er mai 2020

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Sédentaires, 2 mai 2020

La réouverture progressive des frontières intérieures en Europe doit se faire dans un premier temps. Ce n'est qu'ensuite qu'une réouverture, par étapes elle aussi, des frontières extérieures de Schengen sera possible pour permettre l'entrée de personnes en provenance d'États tiers. La cheffe du Département fédéral des transports (DETEC), simonettea Sommaruga, a affirmé ne pas savoir si et quand les frontières pourraient rouvrir. Cela dépend également de la situation sanitaire dans les pays voisins, a-t-elle dit.

Quand sommes-nous devenus sédentaires?
environ 9 000 ans av. J.-C.

Frontière

Ce terme français est d'emploi militaire assez ancien début du XIVe siècle. C'est le féminin de « frontier », adjectif dérivé du substantif « front ». La frontière est le lieu par lequel survient l'ennemi. Le néologisme de « délimitation des frontières » apparaît en 1773 et, dans l'usage courant, «frontières» et «limites» coexistent longtemps. Mais le terme «frontière» a fini par s'imposer au XIXe siècle, pour désigner les limites externes du royaume et de l'État, en substitution d'autres mots comme « limite », « confins », « fins », « mètes », « bornes », « lisières ». Lucien Febvre attribue cette fusion sémantique entre limite et frontière à l'établissement du service militaire permanent et universel et à la militarisation de la nation: les soldats effectuaient leur service militaire à la frontière.

De nomades à sédentaires
Les humains gagnent des frontières
Limites limes (lat.) de leur terroir
De leur territoire
De leur foutoir

Pendant des siècles
On se fait la guerre
Pour des frontières
Pour des bouts de terre
Pour l’Alsace et la Lorraine

Puis, un beau jour, Europe
Ouvre ses frontières
Libre circulation des personnes et des marchandises
Schengen, Schengen
Balises des confins du vieux monde connu
Tant pis pour les continents aux enfers
En développement, émergeants, tiers Etat planétaire
Jetés au marges de l’univers

La droite extrême droite national identitaire
Anti-tout populiste populaire
Réclame la fermeture
Chacun chez soi
À mort les nomades, les migrants, les errants

Après Berlin, 1989, la chute du Mur
D’autres murs balafrent la terre

Enfin, 2020
un virus minuscule, invisible, retors
arrête tout ou presque
On revient aux barricades, aux barbelés
Pâle copie des Romaines face aux barbares
Au crépuscule des dieux et de l’empire

 

Entre Kreuzlingen et Constance, printemps 2020
Entre Kreuzlingen et Constance, printemps 2020

 

Au XXIe siècle
Cosmopolites, SDF, pendulaires
Madame monsieur des zones villas
Statistique de banlieue
Nous sommes tout à la fois (là il faudrait une réverbération sonore)
Foifoifoifoifoi…..
sédentaires et nomades
Avec et sans frontières
Un et cent mille

En extase, distraits, trop heureux ou malheureux de nous-mêmes
Covid-19
Nous a surpris a la gorge
Nous a suspendu
Mis entre parenthèses, en pause
Impuissants fantassins
d’une guerre sans ennemi

Ces jours de printemps orageux
Les douanes cadenassées
Ressemblent aux clôtures
Que les paysans dressent pour contenir le troupeau
Ruant dans l’étable
Après un hiver sec et salaud

 

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Immobiles, 1er mai 2020

La fête du Travail ne donnera lieu cette année à aucun rassemblement traditionnel. C'est sans précédent dans l'histoire des syndicats. Ces derniers ont néanmoins appelé à d'autres formes de mobilisation, virtuelles sur les réseaux sociaux, ou «perchées» sur les balcons et façades d'immeubles à l'aide de pancartes ou de banderoles.

 

Le 1er mai
Les salariés manifestaient
Les syndicats syndiquer (grouper des gens)
Les plus enragés cassaient
Le 1er mai
C’était la routine/tradition rougerosesolidaire
Les militants déroulaient les drapeaux et les banderoles
Ils marchaient dans les rues
Ils chantaient « Bella ciao », peut-être pas
Ils applaudissaient les discours hurlés

Giuseppe Pellizza, Quarto Stato, 1901
Giuseppe Pellizza, Quarto Stato, 1901

 

Le 1er mai
Ça bougeait, même si c’était un peu l’anniversaire que l’on s’oblige à fêter
On se mobilisait, on se rendait mobiles, en mouvement
Enfin, elles et ils
Moi, je
Moi, je n’ai jamais participé
Plutôt théorique (mou) de la révolution
Que combattant au front
Cheveux en bataille et chemise en sang

Sortis des bureaux, des usines
Des open spaces et des ateliers (la belle affaire)
Où ils étaient immobilisés
Littéralement
Sur des sièges ergonomiques
À la cadence des chaînes de production
L’architecture Richie des établis
Les travailleurs se mettaient en marche, en action
Non plus pendulaires dans un jeu de quilles
Mais personnes avec d’autres personnes
À revendiquer dignité et pouvoir d’achat

Aujourd’hui
1er mai 2020
En plein coronavirus (ère géologique à peine apocalyptique)
On/nous est/sommes confinés, séparés, distancés, immobilisés
Plus ou moins, selon la caste, la fortune ou le prénom
Esclaves, mais non!, champions numérisés du télétravail
A l’exception de la main-d’oeuvre
De première nécessité

On/Nous est/sommes
Manifestants domestiques, domestiqués
Contraints/prêts
A applaudir au balcon
A suspendre slogans et gros mots aux fenêtres
A faire du bruit contre le profit et les dividendes
A s’afficher sur les écrans des réseaux sociaux (abus de langage)
A la barbe des capitalistes et des CEO/PDG
Célébrant les soignants-cassières-nettoyeuses-policiers et les autres
Interdits de confinement pour cause de salut public

Tout le contraire, c’est vrai, de la vitalité mouvante
Des défilés défilant pour les droits des prolétaires
Qui ont perdu le souvenir de leur condition
(Marx, Engels au boulot)
Devenus, les prolétaires et qui d’autre?, classe moyenne sans queue ni tête

Aujourd’hui
1er mai 2020
En plein coronavirus (bientôt une marque déposée)
Il a fallu se contenter de manifester
Surplace, virtuels, ahuris, chez soi
Entre le ménage et le cake trop cuit

En se disant que
Vraiment
Se désaliéner, c’est avant tout se remettre à danser

 

 

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Grounding, 30 avril 2020

Le Conseil fédéral a décidé de demander au Parlement près de 1,9 milliard de francs pour soutenir les Cie aériennes Swiss et Edelweiss.


Le météorite coronavirus
L’explosion volcanique Covid-19
Le tremblement de terre respiratoire
N’auront pas raison
De nos dinosaures ailés

Pas cette fois
Les avions ne disparaîtront pas
Comme leurs congénères poilus d’antan
D’avant sapiens sapiens

J’avais espéré, j’avoue
Qu’ils s’éclipsent, s’évaporent, s’effacent comme une mauvaise idée
Que le petit petit agent infectieux détruise les colosses rutilants
En vain

Maintenant, cloués au sol pour cause d’épidémie
Les compagnies crient famine
Toutes plus ou moins misérables
Pauvres en liquidités
Ah bon? Victimes du low-cost?

L’Etat
Dit oui aux suppliques
Sans rien attendre
Sans conditions

Pourtant, étaient-ils oui ou non jusqu’à hier
Le diable
Le mal incarné
Les suppôts du CO2?

Qu’importe…
L’Etat, je répète, donne argent et garanties
Aux géants polluant les airs, les oreilles
Parce que l’aviation ne peut tomber, faillir, s’écraser
Pareille aux banques, il y a quelques années

C’est systémique, rabâchent les experts
Leur débâcle « occasionnerait une crise générale »
To big to fail (à prononcer comme si on appelait son chien en train de enfuir)

Alors, après quelques semaines à jeûne
Après quelques semaines à terre
Après quelques semaines immobiles
Toutes et tous à Ibiza, Prague, Barcelone, Amsterdam
Check!
Comme avant
Autorisés à polluer, coloniser, consommer à l’envi

Il faut bien ranimer le tourisme
Collapsé
Mis à genoux par une nanobête
Qui, suprême ironie, adore voyager

 

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Drive-in - drive-out, 29 avril 2020

  • Le culte drive-in. Le concept consiste à réunir sur un parking des fidèles qui resteront confinés dans leurs véhicules pour écouter la bonne parole et partager louanges ou témoignages via l’application Zoom ou des récepteurs mis à disposition.
  • Le English National Opera a annoncé l'ouverture prochaine du premier opéra "drive-in". Le public pourra se rendre en voiture ou à vélo pour assister à une représentation en plein air.
  • La population pourra se ravitailler auprès d’artisans locaux. Le tout sans sortir de sa voiture.
  • Des voitures garées devant des écrans géants retransmettant le match qui se joue dans le stade adjacent: c’est la solution proposée par Midtjylland, club danois de 1re division, pour permettre aux fans de soutenir leur équipe face aux restrictions liées au nouveau coronavirus.

Vive la voiture
Connectée, intelligente, protectrice, aimante
L’automobile déjà prothèse
Fera corps avec ses occupants
Le vivant et l'inerte ne seront plus qu’une seul chose
Assemblage monstrueux de tôle et de chair

Drôle d’Alien
Ou de Chimère

Chimère d’Arretium, ers 380-360 avant J.C., Florence Musée Archéologique
Chimère d’Arretium, ers 380-360 avant J.C., Florence Musée Archéologique

La créature
Délire des Frankenstein du marketing universel
Nouvel Eldorado d’investisseurs cupides
Sera le rempart contre la peur, le virus, la crise

Oh, oui
Quelqu’un a imaginé « driver » à vélo
Mais ce n’est qu’un leurre

Seul la symbiose avec la voiture
Même la moto devra abdiquer, c’est dire
Sauvera l’humain
(parole de créatifs)

Humain métamorphosé en SDF ambulant
Dont Jack Kerouac, poète USA
De l’évasion, de la stupeur, de l’instant
N’imagina pas la dérive

 

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Les trains à quai, 28 avril 2020

  • Le nombre de voyageurs des CFF a chuté jusqu'à 90% en Suisse

Depuis ma fenêtre
Les trains filent à droite, à gauche
Je devine les sièges vides
Dans le bruit fuyant du rail

Les pendulaires désormais immobiles
Désertent les gares
Boudent les RegioExpress
Ignorent les intercity

Le va-et-vient des jours routiniers
S’est arrêté
Fini le corps à corps dans des voitures étriquées
Oublié le mélange d’haleines ensommeillées
C’est fou de regretter ce qui faisait râler

Et les week-ends, Pâques, Ascension, Pentecôte
Où sont les marcheurs, les skieurs?
Que font les familles en poussette?
Pourquoi les cyclistes en collant ont disparu?

Les quais des gares résonnent de rien
Les rares passagers s’évaporent à bout de portable
Sous les marquises l’atmosphère est brechtienne, distancée
Pour une fois qu’on va se désaliéner

Covid-19 et le Conseil fédéral
Ont condamné les trains
A circuler insensés
L’horaire réduit, dimanche du lundi au samedi
Sillonnant fantomatiques le pays en suspens
Transformé en maquette Märklin
A défaut de SwissMiniatur
Fermé aussi

Le jour du grand retour
Dès la fin, peut-être, de l’épidémie, mais il faudra vivre avec
Ex-confinés libres à nouveaux de bouger
Car on meurt d’envie de bouger, eh?
Qui reprendra le train
Qui pour se souvenir de la crise climatique
De la vague verte
Du CO2 à flots?
Sapiens sapiens a la mémoire courte, à flux tendu
Alors, en voiture Simone…
Faut se protéger

Et pour les captifs, contraints, comment faire autrement
J’imagine déjà un drôle de carnaval clairsemé
La belle mascarade de voyageurs
Dans des rames espacées
Sans guggenmusik ni confettis

Pourtant, au téléjournal
Mesdames et Messieurs du Conseil fédéral
Répètent à l’envi
Que le train n’est pas le passé
Non, le train c’est l’avenir
Mais bon, pour l’heure
« Nous souhaitons agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire »

Depuis ma fenêtre
Je perds pied
Saisi de vertige sémantique
Etourdi par le vacarme transcendant
Des berlines, poids-lourds, scooters
Courant les cheveux dans le vent
Sur l’autoroute
Comme un horizon brisé
Sous le soleil levant
Kitsch cependant

 

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Lutte finale, 27 avril 2020

  • Une étude de l’Institut de planification du trafic et des systèmes de transports de l’EPFZ montre qu’entre le début du confinement de la mi-mars 2020 et le17 avril), la distance quotidienne moyenne parcourue à vélo a presque triplé en Suisse. Les données de référence datent de l’automne 2019. À l’époque, la distance moyenne quotidienne parcourue à vélo n’était que de 680 mètres par personne. Pendant la semaine de Pâques, ce chiffre est passé à plus de 2 kilomètres par jour. La semaine dernière, il était encore de plus de 1,8 kilomètre par jour et par personne.

Quand on a peur, on pédale
Surtout si c’est un virus
Qui nous colle au train

Hélas
Le risque de contagion pousse aussi à la voiture
Et à la moto (horreur)
Calé dans sa coque en tôle
A cheval de son bolide
On se sent invincible

Pendant ce temps
Les transports publics souffrent
Trop de promiscuité
A se souffler dans la figure
Épaule contre épaule

Alors la lutte va être sans mercis
Entre bicyclettes et deux-quatre roues à moteur

D’un côté, les demi-dieux à vélo
Légers, agiles, endurants
Capables de transporter jusqu’à dix fois le poids de leur monture

De l’autre, les planqués des carrosseries arrogantes
Lourds, butés, passifs
Roulant dans des véhicules qui déplacent d’abord leur masse inutile

Manichéen? Peut-être
Mais comment croire qu’une Porsche ou une Harley-Davidson
Sont une conquête humaine, un bienfait pour l’humanité
Plutôt que des engins de destruction
De l’air, de l’espace, du temps et de nos oreilles?

Le vélo, lui, roule, avance, grimpe
Silencieux, frugale, stoïque
A la fois Achille et Don Quichotte
Terre à terre et céleste
En un mot: parfait

 

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