Managements
Retour aux sources, 9 mai 2020
Le verbe anglais to manage et le substantif management découlent du terme français du XVe siècle mesnager signifiant en équitation «tenir en main les rênes d'un
cheval». Il a subsisté en français au travers du mot manège. Il provient de l'italien maneggiare lui même issu du latin manus agere, contrôler, manier, avoir en main (latin manus : la
main).
Tout est dit
Peut-être
Jeu de mains
Jeu de vilain
Je suis partial et partiel
Oui
L’entreprise ne m’inspire rien de bon, de bien
Mythifiée, glorifiée
Devenue l’alpha et l’omega de notre monde
Elle régente nos vies, nos esprits, nos pensées
Au point que tout se transforme (réduit) en entreprise
Les individus
l’Etat
l’Univers
Du coup, nous sommes tous des managers
De nous-mêmes
De vous-même
D’eux-mêmes
Et qui dit entreprise…
(C’est un lieu commun
Mais pour une fois vrai?)
…Dit (verbe dire), dans le désordre
Compétition
Profit
Croissance
Avec cet qui va avec
Dumping salarial (ah, l’anglais colonisant)
Licenciements (quand il faut, il faut, comme une baffe)
Austérité (gros mot)
Là, c’est vraiment banal, je sais
Mais bon
Que penser quand les grands conglomérats
Distribuent dividendes et dividendes
En période de disette?
Que penser?
Que les conglomérats ressemblent au stéréotype
Qui du coup devient vrai (ou pas?)
Donc, disais-je (j’aime bien l’inversion soulignant le retour du même)
Si tout revient au profit, à la compétition, à la croissance (économique, eh!)
Que nous reste-t-il?
Quand Dieu est mort (léger vertige)
Quand la transcendance s’est évaporée en Koh-lanta
Et que Marx vire au kitsch
Que nous reste-t-il?
Prendre les choses en mains
Bon sang!
Entreprendre
Manager (mannaggia, imprécation napolitaine: sois maudit!)
En un mot comme en cent
S’activer, bande de faignasses, fainéants, glandeurs, rêveurs, anarchistes
Produire, vendre, encaisser
En attendant le jugement dernier
Managements
« L’entreprise cool », 8 mai 2020
Même les bébés
Babillent « cool » avant de bredouiller « maman »
C’est dire…
Cool partout, tout est cool
D’abord, ça voulait dire « frais » (a cool beer)
Puis, cela a glissé vers décontracté, coulant comme la trompette de Chet Baker
(Chesney Henry Baker, Jr. dit « Chet Baker », né à Yale, Oklahoma, États-Unis le 23 décembre 1929 et mort à Amsterdam, Pays-Bas le 13 mai 1988, est un trompettiste et chanteur de jazz
américain, le plus cool)
Enfin, cool, dans le slang des adolescents marginalisés mondialisés
Remplace génial, super, sensationnel quand on n’a pas de mots pour le dire
C’est aussi, pour ire, l’appellation de plusieurs localités aux Etats-Unis
Et d’un quartier à Amsterdam
(« Tu habites où? A Cool. Oh, this is fucking cool »)
Je divague
Revenons à l’entreprise « cool »
Où il fait bon travailler
S’épanouir sans compter
En s’amusant si on peut
Sur la PS3 (PlayStation pour les ignares)
Entre open space, yoga, baby-foot
Et le granola (mélange de graines; synonyme de manger sain)
L’idée est la suivante:
Plus l’employé se sent chez lui, à l’aise, bichonné
Plus il gagne en efficacité, voire en rentabilité
Cool!
Sauf qu'au fil des ans, des restructurations, des disruptions
Sans oublier les incartades boursières
Beaucoup de salariés, enfin, collaborateurs
(Cool, je collabore avec le PDG de la boîte
Tant pis s’il gagne 50 fois plus que moi)
Les collaborateurs, donc, ont perdu le nord, la boule
Bref, ils se demandent chaque matin pourquoi vont-ils au bureau
Mal prises
Les entreprises (jeu de mots) ont remis une couche de cool
Histoire de noyer la déprime
Dans un bain de bien-être salarié
Confondant boulot et congés
Mais bon
A deux pas de la faillite capitaliste
Il faut se rendre à l’évidence
Sapiens sapiens
En a marre de travailler, de turbiner, de se sacrifier
La paresse, son âme véritable, le rattrape
Tant mieux
Il veut le paradis, le vrai
La sieste éternelle
Sans contrepartie
Sans arbre, pomme et serpent
Ni douleur et labeur
Vraiment cool
Managements
« L’entreprise résiliente », 7 mai 2020
D’abord, la définition
Résilient
« Faculté à « rebondir », à vaincre des situations traumatiques. La résilience est la capacité pour un individu à faire face à une situation difficile ou génératrice de stress.
Covid-19
Encore lui, oui oui
Générateur de stress, donc
Met à l’épreuve la résilience des entreprises
Sans oublier l’aide substantielle de l’Etat
L’entreprise devient ainsi « coronarésiliente »
Génial
Oui, il y a du génie chez les gourous du management
Quand ils clament, je cite au hasard
« Au cœur du cyclone, emprunte de peurs et de doutes, elle (l’entreprise ) décide d’être vivante, inspirante, embarquante, solide et solidaire à l’heure de l’épreuve du feu pour
tous »
Définitivement, l’entreprise est un être vivant doué de toutes les qualités
Tous le contraire de l’homme d’Albert Musil qui en est dépourvu
Frankenstein, en sorcier du capital libéral mondial
A réalisé son rêve/cauchemar
La créature montreuse vit de sa vie propre
L’entreprise, intelligente
Plus humaine que les humains
Invincible, libérée, apprenante, résiliente
Va-t-elle aussi souffrir, aimer, baiser?
Je radote
L’entreprise résiliente, c’est sérieux, résiste à toutes les catastrophes
À toutes les récessions
Encaisse tous les coups
(Un boxeur qui en prend plein la figure mais ne tombe jamais, jamais
Jusqu’au knock-out de l’adversaire épuisé)
La fin du monde est une chance à saisir
(Pourquoi sinon vouloir transformer la conquête de Mars en business?)
La crucifixion, l’antichambre de l’extase comptable
Cette entreprise-là est une machine à assumer les traumatismes
(Une entreprise traumatisée, ça laisse songeur)
A transformer l’échec, l’obstacle, le drame en opportunité
A l’image de la fabrique de parfums
Qui du jour au lendemain face à la pénurie
Embouteille des millions de litres de solution hydro-alcoolique
Et d’un seul coup, sauve la patrie et renfloue le cash-flow
Victimes de Covid-19
En résumé, c’est le be à ba du truc
Les entreprises résilientes
se débarrassent des poids morts à temps (rationalisent)
Investissent là où les crises ouvrent des opportunités de gains
Anticipent ou réagissent très très très vite
Simple comme bonjour
Un rien Darwinien
Le mieux et plus vite adapté
Survit et triomphe
Tous les autres au trou ou à l’assistance
Managements
« L’entreprise apprenante », 6 mai 2020
Les entreprises peuvent apprendre
Ce n’est pas une nouveauté absolue
Mais par ces temps de crise sanitaire et économique
Pour certains aussi éthique et culturelle, faut pas oublier
(Lire à ce sujet une tribune dans Libération)
On est soulagé
Car on peut, je cite, « apprendre ensemble de l’instabilité et des mutations »
Car apprendre, et c’est banal, signifie changer
Enfin, se donner une chance de changer (soyons humbles et mesurés)
Soit s’adapter continuellement face à l’incertitude, les bouleversements
Les krach boursiers ou le boom des boules spéculatives
A la réflexion, pourtant
Un doute, une interrogation grippe mon enthousiasme
Dans mon esprit étriqué
Je peine à imaginer une entreprise apprenante
N’empêche
Des experts ont théorisé le miracle
Des universitaires, puis des chefs d’entreprises ont fait le boulot
Ils inventent le learning ou l’apprenance en français
It’s an attitude, clament les papes de la pensée positive
Quoi qu’il arrive
Il faut être prêt tout le temps à apprendre
Car il y a tout le temps quelque chose à apprendre, n’est-ce pas?
Concrètement?
On trouve de solutions en groupe
On procède par essai et erreur
On transmet ce qu’on a appris
Le savoir, les connaissances, les compétences deviennent
Un atout commun pour le développement de l’entreprise
Ça ressemble à « on est plus intelligent à plusieurs »
But largement répandu de cette compulsion à apprendre
Tous ensemble tous ensemble….
(même si les dissidents ne manquent pas)
La croissance, la compétitivité
Rien de nouveau
Tout est bon quand il s’agit de ratatiner les concurrents
Conquérir des parts de marché
Augmenter les bénéfices
Distribuer des dividendes
En réalité, sur le plan philosophique
L’espoir était que l’entreprise se transforme en système écologique
Organisation responsable et d’utilité publique
Dommage (ou alors, c’est vrai pour une petite minorité)
Un peu comme l’école
À quelques heures de la reprise des cours
Après des semaines de vacances forcées
Alors que l’autorité veut leur simplifier la vie
Beaucoup d’élèves et d’étudiants (pas tous, il faut pas exagérer)
Regrettent la suppression temporaire d’examens et de notes
Signes de rentabilité présente et à venir
(l’école au service de l’économie?)
Indifférents au plaisir désintéressé d’apprendre pour apprendre
En classe
(l’école pour l’école)
Pour s’émanciper, libre de penser
Et non pas uniquement de gagner
Managements
« L’entreprise libérée, 5 mai 2020
Une entreprise libérée
Etait-elle prisonnière?
De quoi?
Son organisation pyramidale, verticale, hiérarchisée
Devenue un obstacle, un frein, une malédiction
Vers la fin des années 1950
(c’est toujours à la fin de ces années-là que tout commence)
Un entrepreneur, l’inventeur du Gore-Tex, Bill Gore, pardi
A transformé ses employés en associés
CEO d’eux-mêmes dans des équipes auto-dirigées
Avec participation aux bénéfices en croissance
Le rêve
Aujourd’hui
C’est une mode, sinon un horizon
Elle nourrit le small talk marketing
Et les coaches en management
Quand elle ne tente pas de chefs d’entreprise
Il y en a pour tous les goûts sémantiques
Elle peut être/devenir
Opale
Agile
Liquide
3.0
Sociocratique
Holocratique
Transformative
Expérientiel
Points communs
Ces modèles sans tomber dans l’autogestion utopique
célèbrent l’organisation horizontale, flat, participative
Vive l’initiative personnelle, le travail en équipe (petite), l’écoute mutuelle
Bref, on est entre adultes consentants, autonomes, chacun dans son rôle
Capables de s’organiser, de discuter, de décider
Sans besoins de caporaux, d’horaires, de procédures administrées, etc…..
On mise sur la confiance, la responsabilité, le respect
Voilà des bonnes raisons
De se lever chaque jour pour aller à la mine, bon dieu!
On contribue à l’essor de l’entreprise, à sa réussite, à son éternité
Tous en marche vers la rationalité, l’efficacité et le profit
Le grand soir du prolétariat enfin maître des moyens de production
Je m’emballe
Puis, je lis
Une interview d’un patron éclairé, audacieux, bien intentionné
Illuminé? Allumé?
Fan de l’entreprise libérée
Puis corrigée car trop dogmatique
Il dit:
« Nous estimons que les contraintes et exigences sont celles du métier et des clients, pas celles qu’impose l’organisation: c’est le rendu final qui compte. Mais nous sommes encore en
recherche: pour moi, une entreprise doit être en perpétuel déséquilibre, pour pouvoir s’adapter facilement à la société qui change. »*
Ou aux crises, genre Covid-19
Ça me rappelle
Des spectacles de théâtre, de danse, de cirque
Où les comédiens jouent sur des scène de biais, en pente
Mouvantes, déséquilibrées, accidentées
On recherche une sorte de spontanéité, d’immédiateté, de vérité
Du corps et de la parole désaxés
Par-delà la technique, le texte restitué, la répétition perfectionnée
C’est drôle de penser
Que des managers « créatifs », baby-boomer, enfants des beatnik
Retournent un acte de liberté
En une opportunité de marché
Travailler mieux pour gagner plus
*https://www.letemps.ch/economie/michel-perrin-modele-lentreprise-liberee-ne-fonctionne
Managements
« L’entreprise invincible », 4 mai 2020
Ce titre
Me saute à la figure
A la lecture de l’interview des deux universitaires mondialement mondialisés
Qui publient un nouveau livre sur les bonheurs de la gestion d’entreprise*
Que disent-ils?
Que l’entreprise invincible doit se réinventer tout le temps si elle veut durer
Et non pas uniquement exploiter un « modèle d’affaires » jusqu’à la lie
Elle doit même le dépasser
En un mot, l’entreprise éternelle
(là, il faut une musique tonitruante, genre générique de Superman)
Imagine « des nouvelles propositions de valeur pour les clients »
En français, biens et services qu’il vaut la peine d’acheter
Mais pas une fois tous les 20 ans
Non, les gars, tous les jours
Fini la gestion paresseuse des son coeur de business
Du coup, l’entreprise qui veut résister aux crises
Ils appellent ça « disruptions »
(on leur pardonne)
Car « les crises sont des opportunités de changer »
(on leur pardonne encore)
Doit aller vers « des nouvelles opportunités de croissance »
(on ne leur pardonne plus)
Donc
Prenons un commerce de glaces (c’est mon exemple, pas le leur)
S’il veut résister au milieu des concurrents et des marasmes planétaires
Qui donnent plus ou moins envie aux gens de manger des sorbets
Il ne peut pas se contenter de vendre des glaces (tellement banal)
Au fil du temps pour sortir du lot, il doit, dans l’ordre ou pas:
Vendre des glaces artisanales (lui-même, à la main, sur place)
Utiliser des produits locaux (lait et fruits des paysans d’à côté, mieux si bio)
Offrir un service de livraison
Multiplier les poins de vent (fixes ou ambulants)
Créer des franchises de la marque pour coloniser plages et quais à bon prix
Ensuite, délaisser la glace, pour passer à la manufacture des cornets
Puis des biscuits
Puis des biscuits et de chocolat
Puis de
….
Pour finir avec une plateforme en ligne participative
Destinée au trading responsable de matières premières pour l’alimentation
Je comprends, je crois, mais je comprends certainement mal
Que l’entreprise invincible, c’est le mouvement
(Moi je dis la fuite en avant)
Sinon, on tombe
Ce qui compte
C’est d’exister, de changer, de se développer
Peu importe pourquoi, finalement
Tant qu’on « propose de la valeur aux clients » prêts à payer pour en profiter
Fausto Coppi, géant du cyclisme de l’Après-Guerre aurait dit
Mu par un désespoir métaphysique inconnu à la gestion d’entreprise
« A vélo, ce n’est pas tellement d’arriver quelque part qui est important,
mais de pédaler »
*https://www.letemps.ch/economie/un-departement-rd-ne-suffit-innover