Le titre, art de l’illumination

Certains recommandent de commencer un texte par le titre, cela va structurer le texte à venir. D’autres conseillent le contraire, c’est le texte écrit qui suggère ce qu’il vaut la peine de mettre en évidence.
Dans tous les cas, titrer demande un talent singulier, s’approchant de l’illumination. Souvent, l’auteur d’un écrit n’est pas le mieux doué.
A l’exception de quelques rares fulgurances, j’ai toujours eu beaucoup de peine à trouver un bon titre.
Qu’est-ce un bon titre ? Question controversée, comme des goûts et des couleurs. Suivant les écoles, les courants, les traditions on privilégiera un titre informatif à un autre plus évocateur; une phrase avec verbe et complément à l’éclat d’un adverbe.
On comprend la controverse.  Un titre, c’est l’entrée en matière, c’est une formule qui raconte l’actualité en peu de mots, c’est une porte qui s’ouvre. Un. titre annonce la couleur, c’est la première chose que l’on voit sur la page avec des gros caractères qui harponnent l’œil et l’esprit. Il attire ou rebute. D’où l’angoisse du rédacteur au moment de titrer. Un mauvais titre risque de détourner le lecteur.
Donc, un bon titre donne envie de lire ce qui le suit. C’est une lapalissade. Mais alors, comment bien titrer ? Bien entendu, on peut apprendre. Des règles existent. Un titre doit dire de quoi on parle. Il doit être concret, court. De préférence positif, actif (avec verbe). Il doit être compréhensible par lui-même. (Et facile à référencer par les moteurs de recherche)
Pourtant, même en respectant ce vadémécum, on ne sera pas un as du titrage. Car titrer, je me répète, tient de l’illumination. Et l’illumination ne s’explique pas. Elle s’impose, elle dicte son génie, elle vous laisse euphorique et sans voix. C’est une expérience à la fois textuelle et mystique. Et généralement collective. A plusieurs voix.
Le quotidien français Libération en est le plus bel exemple. Tant pis si parfois le plaisir du jeu, la jouissance de l’imaginaire l’emportent sur l’obsession anglo-saxonne des « faits avant tout ».
Sur le réchauffement climatique : « Les calottes sont cuites » (30 septembre 2015)
Sur le mouvement féministe Femen : « Femen pas peur » (6 juin 2013)
Sur la légalisation de la marijuana en paraphrasant Obama : « Yes we cannabis » (6 décembre 2012)

A lire : Libé, les meilleurs titres, d’Hervé Marchon, Editions de La Martinière, 2016.